La théorie d’Aristophane ou le mythe d’Androgyne revisités à travers la P.A.R

« Ce vendredi soir installé parmi les convives je suis honoré de figurer dans cet endroit aussi prestigieux et agréable, et aussi loin que porte mon regard par-delà l’Olympe domine majestueux, la bise apporte ce petit goût sucré et iodé, mon regard se perd à scruter plus loin que Rhodes, je me sens emporté en écoutant la voix d’Apollodore me décrivant comment il peindrait ce paysage.

Il faut dire que les invités sont prestigieux, et je n’en reviens toujours pas de figurer parmi les illustres invités à ce banquet, à coté de Socrate parmi ses amis, tant de personnalités aussi fascinantes, et surtout de disserter ainsi d’un tel sujet : qu’est-ce que l’amour ?

C’est Aristophane qui se penche sur l’origine de l’amour et qui attire mon attention car il introduit sa réflexion en posant la question : d’où vient que l’on aime ? Il commence son développement expliquant qu’à l’origine les hommes étaient androgynes. Je commence à être emporté par le son de sa voix, mais que j’étais en train d’imaginer, car le son d’un mail tombant dans la messagerie de mon téléphone, me refait prendre contact avec la réalité, et me tire définitivement de mes rêveries »

J’avais, en décidant de reprendre la lecture du banquet de Platon, la volonté de retrouver les traces de ce vieux souvenir qu’avait laissé dans ma mémoire ce dialogue majeur de Platon comme celui de Phèdre d’ailleurs, mais entamer cette lecture qui sera revue et augmentée cette fois-ci de ce prisme de notre discipline la psychanalyse PAR.

C’est Platon qui écrit ce texte aux environs de 380 avant JC. Dans celui-ci Platon met en scène Socrate qui participe à un banquet organisé chez Agathon. Platon utilise pour sa forme narrative plusieurs personnages, ce qui permet de constituer ce texte essentiellement d’une longue série de 7 discours portants sur la nature et les qualités de l’amour, il en fait raconter la narration par Apollodore d’un banquet se déroulant chez Agathon, et dans lequel figure de ce fait Socrate qui rappelons le n’a laissé aucune trace d’écrits, et qu’ainsi Platon fait parler par cette mise en scène. Nous retrouvons 7 discours, parmi ceux-ci il est intéressant pour notre réflexion autour de l’incomplétude que j’ai commencé à développer dans l’article précédent, de relever le discours d’Aristophane.

Aristophane développe sa partie qu’il organise autour de l’origine de l’amour, il pose de ce fait cette interrogation d’où vient que l’on aime ? Ce sentiment indicible qui nous pousse à nous unir à quelqu’un d’autre. Cette fameuse question est devenue un mythe célèbre connu sous le nom de « mythe d’Aristophane », et dans lequel il développe qu’à l’origine les hommes étaient androgynes, ils étaient à la fois homme et femme et présentaient même la particularité d’être une sphère qui se déplaçait en roulant sur elle-même comme par culbute. Les hommes comme à leur bonne habitude avaient l’ambition de se prendre pour des dieux, et Zeus les punis en les coupant en deux.

Et de ces deux parties coupées, ont émergées une partie mâle et une partie féminine. Bien sûr fruit de cette désunion chaque partie qui regrettait amèrement l’unité originelle, cherchait et continue d’ailleurs, toujours sa moitié voulant à tout prix la rejoindre, ainsi enlacés l’un à l’autre et brulant de n’être qu’un ils pouvaient mourir de faim par inaction, ne pensant qu’à cette union impossible, et donc ne voulaient et ne pouvaient rien faire l’un sans l’autre.
Nous pourrions en rester à cette définition de l’amour, celui qui est par son essence le rassembleur de notre ancienne nature, et qui essaie de faire de deux êtres un seul et de guérir la nature humaine. C’est assurément ce mythe qui a engendré la conception de l’amour comme la recherche de sa moitié, ou pareillement le désir de ne faire plus qu’un. Ainsi l’homme et la femme devenus ne seraient qu’à la recherche de la parfaite moitié de lui-même.
Mais nous allons en reprendre la réflexion sous un angle plus psychanalytique, examinant ce mythe comme une expression, une représentation de la phylogenèse, comme une idée de l’incomplétude, nécessaire et indispensable, cette phylogénèse qui est devenue en partie pour la psychanalyse la libido.

Je me suis rendu compte au fur et à mesure de mes lectures revisitées par cet angle plus psychanalytique, de ces rapprochements intéressants à effecteur, car la mythologie se nourrit de représentations des fondamentaux de l’humain, qui ne peuvent ainsi lui échapper, d’ailleurs Platon n’échappe pas lui-même à cette règle, car dans l’autre mythe qu’il nous présente, et qui est celui de la caverne et que je n’aurai pas le temps de développer ici, nous voyons que s’intègre également et parfaitement ce concept de phylogénèse qui est le principe initial de la vie. Je le développe dans mon prochain ouvrage expliquant ainsi que l’homme portait en lui un mythe éternel qui est celui de la caverne. Cette caverne intériorisée au plus intime est bien sûr représentée par cette matrice maternelle, plus exactement par cette matrice utérine, qui est celle de la profonde béatitude et bien-aisance, recherche constante inaliénable qui animera l’homme tout au long de son existence, et autour de laquelle la plupart des grands mythes universels se construisent.

L’homme est animé certes par cette matrice, mais également par une autre plus antérieure qui est comme une impérieuse nécessité à s’unir pour se produire. Car ainsi est organisée la vie dans et par la phylogenèse, l’humain est ainsi fait, il ne s’inscrit pas dans la parthénogenèse. L’enfant est le fruit de cette forme de reproduction ainsi ce sont ces incomplétudes des femmes et des hommes qui font l’enfant. Celui-ci conçu et né à priori d’un acte d’amour, et ainsi l’espèce humaine se perpétue.

Regardons rapidement au travers des autres civilisations et mythologies comment cette universelle requête est représentée. Sur le continent africain où les mythologies sont nombreuses, nous pouvons observer au Togo, au Bénin et au Ghana le peuple Fon qui considère Mawu-Lisa, qui est le couple divin formé de la Lune et du Soleil et figurant par sa dualité l’équilibre de l’Univers, comme la Divinité suprême. Mawu représente le principe féminin, sa figure est associée au froid, à la nuit et à la fécondité. Lisa est le principe masculin incarnant la force.

Dans l’hindouisme, une épithète de Shiva est représentée sous la forme d’un seigneur androgyne : Ardhanaru qui est constitué du côté droit Shiva, et du côté gauche Parvati, et dans un même corps. Cette image symbolise l’ambivalence de la nature divine, féminine et masculine à la fois, ni homme ni femme, car à l’origine de toute chose, transcendant les distinctions de genre.

La cosmologie japonaise est plus complexe dans sa structuration mais le principe de la bisexualité apparait d’après les études qui font apparaitre cette constitution autour de 7 parties complémentaires de Kami la première étant l’apparition de la vie et la septième le principe de bisexualité dans sa complémentarité. Il est estimé que ce sont ces Kami qui représentent ensemble le principe de la bisexualité de la nature humaine, il existe deux Kami porteurs des potentiels, mais non encore sexués.

L’objet de ce rapide article qui est une introduction pour d’autres développements n’est pas une dissertation sur ces cosmologies, mais nous pouvons aisément observer que la plupart des mythologies participent d’un présupposé acquis bien sûr, que l’être initial primordial pourrions-nous dire était androgyne. Il était les deux ensembles.

C’est cette notion d’incomplétude qui fait la femme et l’homme, et qui me permet de développer quelques réflexions qui ici ne sont qu’une porte d’entrée sur des écrits venir.

Nous pouvons à partir de cela en déduire que les principes masculin et féminin sont par nature incomplets, que la finalité évidente de la vie quelque en soit la forme est la reproduction de l’espèce, et sans être un Darwiniste aguerri nous pouvons malgré tout prétendre qu’une autre des finalités est de fait l’amélioration de l’espèce et cela intéresse au plus haut point la psychanalyse dans ce qu’elle peut apporter dans le cadre de sa discipline.

Je propose à travers ce court article de déployer trois points de support pour d’autres développements.

Cet être initial créé à partir de ces confondus, fait apparaitre la phylogénèse nous l’avons vu, cette phylogénèse dont je souhaite en préciser l’aspect libidinal apporté par la psychanalyse.

Je montre dans mon dernier livre à paraitre, combien l’être humain est animé par des substrats très anciens, le premier étant la nécessité absolue de reproduction, le second la recherche éperdue de la matrice, ce monde perdu, ce jardin d’Éden que toutes les religions ont repris depuis les sumériens. la troisième l’appropriation de cet Autre. Les trois substrats fonctionnent ensemble et représentent des registres comportementaux instinctuels faisant partiellement parti de cet inné si difficile à cerner.

L’homme est de façon instinctuelle primitive et non pensée, obligé à cette fonction de survie de sa propre espèce que Platon fait apparaitre à travers ces singularités du mythe d’Aristophane, cette impérieuse nécessité de procréer qu’il détourne élégamment par le sentiment amoureux. Puis nous reverrons cet autre mythe aussi important chez lui qui est celui de la caverne, mais dont je proposerai une autre lecture au regard de la psychanalyse que je développerai plus également. Ainsi les philosophes sentant ces indicibles en nous, tentent fort justement de trouver des concepts mythologiques. Mais je propose de revenir à notre discipline.
Freud a formalisé, dans la première théorie des pulsions, la libido en tant qu’énergie psychique employée dans une dialectique entre les pulsions sexuelles et les pulsions d’autoconservation, puis entre les pulsions sexuelles et les « pulsions du Moi » Nous savons que ce sont les raisons pour lesquelles il a introduit une nouvelle dualité pulsionnelle qui vient de la seconde topique, et qui s’articule entre la pulsion de vie Éros et la pulsion de mort Thanatos.
Sigmund Freud a également défini la libido comme étant l’énergie qui doit être considérée comme un ordre de grandeur quantitative de l’ensemble de ces instincts qui ont à voir avec tout ce qui peut être compris sous le mot « amour ». C’est l’énergie, ou la force de l’instinct, contenue dans ce que Freud appelait le Ça, la structure strictement inconsciente de la psyché.

Nous savons bien sûr que ces pulsions libidinales entreront nécessairement en conflit avec les conventions du comportement civilisé, représentées dans le psychisme par le Surmoi. Nous observons ainsi :
– 1) la recherche de la complétude par le manque et donc cette complémentarité incontournable, qui constitue la base et la richesse du couple féminin-masculin, il n’y a, il ne peut y avoir l’un sans l’autre. Cela procède par un développement nécessaire qui apparait lors de la structuration de l’enfant, et donc de nous adultes en devenir, qui est celui de l’importance de la place et du rôle des parents. Je ne raisonne ici que dans le cadre le plus banal, à savoir un homme et une femme qui ont le désir et la possibilité d’enfanter, et n’évoque en aucun cas les différentes singularités de familles monoparentales ou autres, cela pourra être l’objet d’autres études. Mon sujet est de raisonner simplement sur la plus large majorité des situations, que l’on oublie souvent valorisant la plupart du temps l’expression organisée autour de singularités, et qui obère de fait des développements plus génériques et collectifs.
– 2) l’importance de cadre dans lequel ces complémentarités du masculin et du féminin apparaissent, car l’homme ne pourra jamais enfanter ni allaiter, et cela apporte et permet des fonctionnalités qui sont elles innées. Nous y distinguerons cette faculté matricielle « innée » l’aspect matriciel maternel, et celle d’une représentation qui est ce grand Autre, l’extérieur paternel, il s’agit bien sûr de l’époque des prémices de ce psychisme archaïque en construction.
– 3) l’omni présence de ces deux principes du masculin et féminin fait qu’à priori la phylogénèse s’organise dans cela. Je reviendrai plus précisément sur la façon dont il existe actuellement un systématisme d’opposition, qui ont la volonté de rendre grotesque les valeurs de ces comportements innés, car si l’on reste sur ces postulats que l’inné existe, quoi de plus évident de considérer que l’identité sexuée en est le premier.
Après que l’individu s’approprie ou non cette identité sexuée est une autre affaire. Je l’ai suffisamment expliqué, mais heureusement ne suis pas le seul car c’est un sujet sur lequel la psychanalyse a développé de nombreuses réflexions. Il doit y avoir à chaque étape, dès la naissance une appropriation tant que possible maximale de la réalité de nos existences. Je développerai ceci également, (mais le format de cet article ne le permet pas), l’enfant s’affirmera dans l’ensemble de toutes ses expériences que celles-ci soient ratées ou réussies, et les supports d’identification seront bien présents à l’occasion de ces expériences. Ainsi la construction de son identité, et donc de son identité sexuée s’opère dans l’ensemble de ces expériences. Nous savons notamment à travers l’étude de la deuxième topique et de l’apport du concept de mutagénicité que je développe à travers la PAR, que les abréactions et perlaborations exogènes finalisées, permettent une très importante réversibilité et donc une appropriation de réels choix d’identité et comportementaux.
Il est intéressant d’observer également l’existentialisme Sartrien le « je suis par ce que je suis », en réalité Sartre nous dit que l’homme existe en ce qu’il n’est rien de défini, il devient ce qu’il a décidé d’être. L’homme créé son existence en se choisissant. C’est ce que je développe dans mon livre « réfléchir autrement pour avancer » dans lequel je postule que seul l’homme lucide, pleinement et véritablement lucide, libéré de ses jougs par la psychanalyse, peut véritablement décider et entreprendre, grâce à ces fameux déterminismes psychologiques dans lesquels la psychanalyse PAR permet une reconsidération et réappropriation.
Ainsi à chaque étape de notre vie face à tous changements, le psychisme doit être en capacité d’appropriation de celui-ci. Nous constatons et les éducateurs de tous crins sont au premier rang de cela, que l’enfant l’adolescent, le jeune adulte doit être en capacité de s’approprier ce corps en développement et en changement. N’en déplaise aux partisans du troisième genre, il n’y en a que deux, le masculin et le féminin, et ceci que l’on se l’approprie ou pas. Et de trop nombreuses éducations laxistes considérant à tort que l’enfant est seul responsable de ses choix, amènent ainsi à des catastrophes.
La psychanalyse comme je le répète souvent flirtant à l’orée de nombreuses disciplines possède du fait de ces croisements une liberté de pensée, et doit pouvoir proposer des références en matière de rappels.
Ainsi nos sociétés consuméristes sont happées par les phénomènes des modes, qui proposent à tour de bras des fulgurances qui vont devenir des principes, voire des dictats. Il y a ainsi des repères des habitudes, qui parfois s’opposent au bon sens. Et cela en matière d’éducation peut générer de nombreux ravages, ne citant au passage que l’interprétation faite de l’ouvrage très prisé en France « Libres enfants de Summerhill » paru en 1971, et le travail de Dolto vraisemblablement à lire à nouveau, mais avec beaucoup plus d’attention pour bien en faire la part, mais qui a été assurément manifestement détourné.
Ainsi il a été de bon ton pendant ces dernières décennies de considérer qu’il fallait se plier, obéir à la parole de l’enfant, ce qui est un détournement des principes qui ont été émis à l’époque, et qui étaient de considérer l’enfant comme un être dans son ensemble et non une partie insignifiante. Mais l’enfant a besoin de ses parents et de ses éducateurs, néanmoins nous en sommes arrivés pratiquement à une opposition par le fait que de dire, donc de proposer à l’enfant est devenu comme une contrainte qui interfèrerait dans son propre espace de liberté, et serait donc subit par lui comme étant une agression, pire une violence de la part de l’adulte.
Mais rappelons le fortement l’enfant n’a pas d’autre libre arbitre que son propre et unique plaisir. Cela s’appelle en psychanalyse le principe de plaisir qui est confronté constamment au principe de réalité, et nous savons que le rôle des éducateurs est d’éduquer à l’enfant à apprendre notamment à être frustré, et savoir gérer cette frustration, car c’est cela qui permet d’intégrer l’ensemble que propose cet Autre. Et il s’agit bien dans cet article d’évoquer ce principe de frustration et non de soumission, confusion trop facilement effectuée.
Une très large partie du mécanisme animant la frustration est bonne, contrairement aux idées reçues car elle permet de développer un mécanisme complexe de projection, intégrant la notion de temporalité, que je préciserai également.
Ériger l’enfant en opposition face à des parents qui seraient ainsi des ennemis, de même que l’homme et la femme seraient des ennemis de race, est une erreur fondamentale.
Pour revenir à cette incomplétude et la nécessaire coopération des genres féminins et masculins, rappelons-nous que ceux-ci sont intimement liés et contraints par leurs synergies. Pourquoi les opposer ? Les traditions d’avant basées sur un ridicule patriarcat déséquilibrant, ne doivent pas être remplacées par un matriarcat qui revendiquerait cela sans le nommer.
Les deux sont alliés de cet intime indicible qui est la vie, et le fruit de cette alliance est bien évidemment l’intelligence pour servir cette évolution phylogénétique. C’est ainsi comme le temps qui ne file que dans un sens, une seule direction, car ce sont ces lois du vivant, et à ce titre la lucidité est de savoir construire l’ensemble des impactant et non de se nourrir de ces illusions.
L’homme et la femme qui seule à la capacité d’enfanter, deviennent un père et une mère, ce sont deux alliés, deux complices indéfectibles de l’éducation de leur enfant. Celui-ci est présenté par eux à la vie, et le père et la mère dans leurs fonctionnalités d’enfanter et d’extérioriser sont des complémentaires indispensables et non des opposables.
Nous avons vu que l’humain était cet indissociable des deux masculin et féminins, à ce propos je rappelle également le principe que développe le Tao la matrice préalable de l’univers, le Ying et le yang qui sont des confusions constantes et organisé autour des deux principes féminins et masculins. Nous observons également cela à partir de l’observation la plus stricte de nos cliniques psychanalytiques, que dans tout être, tout analysant les deux relevant de ces facultés sont présents. Nous observons naturellement une prépondérance du masculin chez les hommes et du féminin chez les femmes. Cela parait d’une telle évidence, mais il est plus complexe de faire de ce constat un véritable développement de ces potentialités, car ce seront les adéquations à l’ensemble de nos expériences qui orienteront cette organisation.
Nous savons par différents aspects que l’enfant peut et doit s’identifier à ces modèles, et les plus accessibles et primitifs sont bien la mère et le père, ainsi la petite fille ira naturellement vers sa mère et le garçon vers le père, en tant qu’éléments porteurs des identifications. Nous savons combien notre vie est construite à partir des rencontres réussies et ratées. Ainsi il est indispensable que l’attirance naturelle aille dans les phénomènes projectifs d’identification des féminins mère-fille ensembles tout comme des masculins père-fils.
Nous voyons et imaginons ainsi les nombreuses défaillances et carences apparaissant par ces excès et insuffisances dans l’expression du rôle et de la place de la mère et du père. Ainsi la psychanalyse parle du complexe d’œdipe, que tout le monde connait plus ou moins, il ne s’agit d’ailleurs pas d’un complexe au sens commun du terme, mais plus d’une dynamique qui permet à l’enfant de se structurer dans son identité, et bien sûr cette identité est sexuée dans le féminin ou dans le masculin, et non pas dans un troisième sexe, qui n’est que l’expression d’une théorie d’illuminés, il faudrait d’ailleurs demander aux généticiens leur avis.
J’ai systématiquement observé dans le cadre de trente années de pratique, la présence et le fonctionnement de cette mécanique œdipienne, et ceci permis à travers toutes les cultures, les genres et pratiques religieuses qui ont pu se croiser sur mon divan.
Cette mécanique elle se fait à trois, et c’est ici que la complémentarité femme-homme apparait dans sa fonctionnalité et pleine expression. Les deux s’apportent par ce qu’ils sont, ils sont ces structurant indispensables à la construction du jeune être que la vie leur a confié à éduquer.
Pour en revenir à la frustration, il est nécessaire de préciser en quoi apprendre à l’enfant à gérer sa frustration est important. C’est un mot usuel qui fait partie du langage commun. On considère la frustration comme étant une réponse émotionnelle crée par l’opposition entre la colère et la déception, et qui intervient par une résistance que la volonté de l’individu à perçue. Les causes sont internes c’est à dire dépendantes de l’incapacité intrinsèque, ou externes liées à l’environnement. Il en résulte systématiquement un conflit émotionnel qui sera peu ou prou refoulé. Pour rappel et cela je le développe également dans le prochain livre, le refoulement est une protection indispensable qui protège le psychisme. Et systématiquement nous refoulons par protection automatique sans en faire l’effort, et nécessairement s’en nous en rendre compte, et pouvant même nous moquer de nos réactions face à ces chocs émotionnels, mais ne nous y trompons pas le choc sera bien là refoulé certes, mais actif dans la mémoire inconsciente. Le refoulement ne protège que partiellement, il permet au champ conscient, donc à la pensée d’amortir le désagrément, le ridicule ou la colère, mais nous le savons les séances de psychanalyse surtout en PAR permettent de désactiver ces affects.
Observons ce phénomène de frustration plus rapidement mais sous le regard de la psychanalyse. Nous savons qu’il existe un principe de plaisir qui est l’expression d’un désir « j’ai envie, donc je dois avoir », et un principe de réalité, que sont les lieux, les moments, les personnes, les lois, les cadres, les temporalités, qui font que l’envie sera satisfaite ou pas.
Nous voyons que de très nombreux possibles sont multiples, le désir ou l’envie peuvent être légitimes, d’ailleurs ne nous leurrons pas elles sont pratiquement toujours considérées par celui qui les émet comme légitimes, mais pour ce qui est de l’articulation avec la réalité c’est tout autre chose.
« Je veux j’exige, donc je dois avoir ! » C’est ainsi que fonctionne le psychisme du tout jeune enfant. Et combien sont les parents perdus face à ces demandes, qu’est-ce qui est légitime dans la réponse à avoir. La psychanalyse est passée par des apports et qui ont été dénaturés, ces apports ayant été compris « à l’envers » à savoir il faudrait satisfaire systématiquement le désir de l’enfant.
C’est une erreur qui non seulement ne rend pas service à l’enfant, mais le modélise pour le reste de ses jours. En effet si un enfant est habitué à ce que systématiquement l’ensemble de ses demandes soient satisfaites, où est la limite du possible ? La seule que je connais et qui n’a aucun véritable sens, ce serait malgré tout les finances des parents, car à partir de quel moment, à partir de quoi poser le non, et l’état des finances est un rude rappel à la réalité !
La confrontation du principe de plaisir au principe de réalité est une base structurante indispensable, autant que celui du sentiment d’être aimé et apprécié par ses parents. Les parents la plupart du temps s’appuient sur ce fameux concept émanant du bon sens. Qui effectivement dans le cadre d’un raisonnement absolu, nous le savons est exposé ipso facto au cadre de la morale, donc de la religion du mode éducatif dont les parents eux-mêmes se débattent souvent pour continuer à trouver leur propre personnalité d’adulte à travers l’acte d’être parent.
Je préciserai tout cela également à travers des cliniques pour mieux illustrer. Mais sur un plan plus conceptuel nous pouvons affirmer que le rôle des parents est majeur dans cet apprentissage, en apprenant à l’enfant à gérer son adéquation entre son plaisir et la réalité. Notre fameux principe de plaisir soumis à la réalité. Là à nouveau il y a tant à développer que je ne peux que formuler des images qui de fait sont réductrices de cet ensemble de mécanismes.
Je parle bien de situations normatives dans un cadre assez commun et non d’actes de violences, de privations, d’agressions qui trop malheursement existent. Mais un raisonnement sur la norme est le seul fondé car nous savons qu’aucune discipline et surtout la psychanalyse qui se doit une rigueur de type scientifique, ne peut raisonner ni réfléchir sur des singularités ou des exceptions.
Et en l’occurrence avec la pédagogie à trouver, et la pédagogie à trouver est systématiquement celle de l’instant T, les parents doivent en permanence et donc en faisant appel à leur faculté d’analyse et d’adaptation, faire l’effort de savoir dans quel contexte l’enfant exprime et vit sa demande. Et donc en adaptant au mieux leur attitude pédagogique, notamment s’ils évaluent par des raisons fondées, que la réponse doit être négative. Il faudra alors que systématiquement ils se persuadent que cette réponse est bien d’émettre un refus, par un non très nettement défini sur le fond, mais dont l’expression par la forme est à apprécier et à adapter.
Tout l’art du pédagogue et de faire passer un message en lui octroyant la forme la mieux adaptée. N’oublions pas que les parents œuvrent pour le bien de l’enfant dans sa capacité à devenir un adulte le plus autonome possible. Aussi il ne faut qu’eux même ne se laissent pas emporter par leur propre affect, qui les ramènerait mais de façon inconsciente et de cela ils ne se rendent pas compte, à leur propre affect d’enfant réactivé.
Il est tellement plus facile de dire oui, que de dire non ! Savoir dire oui ne s’apprend pas, c’est une réponse spontanée la plupart du temps je parle bien de situations parents enfants, et non de gestion de contrats. Par contre savoir dire non s’apprend, car cela oblige l’adulte-parent à une maturité qu’actuellement la société lui retire.
J’écrirai sur cela aussi, mais nous voyons combien depuis des décennies notre société déresponsabilise et délègue à tout va, tout le monde devient expert de… rien ! Et les repères identifiés disparaissent progressivement, car toute forme d’autorité semble être légitime à être automatiquement attaquée. Cela apparaitra également dans d’autres articles. Mais pour en revenir à cette gestion intelligente de la crise émanant légitimement par la frustration d’un désir non réalisé, le rôle des parents est de permettre à l’enfant de se projeter. Ce mécanisme de projection est une des émergences de la frustration, il fonctionne mécaniquement sur le principe du : « Effectivement ne l’as pas eu, mais si cela est censé, tu peux l’avoir ». Et à partir de ce moment, apprendre à l’enfant à imaginer son désir dans le temps, lui apprendre ainsi à ce que cela devienne une rêverie, puis des projets, mais qu’il peut atteindre en s’y donnant les moyens. Ainsi à ce moment il apprend sans que cela ne soit ainsi nommé les notions de qualité, de quantité et de temporalité.
Ainsi la frustration force la capacité à se forger des projets, l’ambition et la prétention contrairement à ce que la plupart ne pense, et je les utilise essentiellement dans un cadre et lecture psychanalytique, sont des qualités car cela permet à l’être en construction, qu’est l’enfant de s’imaginer et de se projeter dans un futur.
D’ailleurs nous comprenons aisément et cela je le développe et précise dans mon ouvrage, que l’enfant ne nait pas colérique dépressif, et tant d’autres il le devient. Ainsi un enfant à qui les parents auront tout cédé, par démission par exemple pour avoir la paix, ou pire au nom de grands principes éducatifs de tolérance, mais ne rêvons pas, qui ne sont que des cache misère, et bien cet enfant habitué à ce que tout cède face à ses désirs, puis à ses demandes, même à l’ensemble de ses demandes, dans l’enfance sera déjà difficilement socialisable, il aura des difficultés comportementales, il deviendra un enfant roi.
Mais le pire est à venir car une fois adolescent et ne pouvant supporter aucune frustration il sera au mieux rebelle, d’ailleurs la fameuse crise d’adolescence je le rappelle est une lubie des psychos des années 70, et non une nécessité, ou une obligation car elle n’existe en réalité pas, notamment si ce que j’explique ici se déroule normalement. Cet enfant frustré aura de très grandes difficultés face à toutes les formes d’autorité, et le pire c’est que lui-même ne pourra jamais être une autorité quelle qu’elle soit, car être en fonction d’exercer, de représenter toute forme d’autorité oblige constamment à des frustrations.
Nous aurons donc un adulte frustré et immature, et souvent pas fini, car il est rare, je n’ai même jamais croisé aucun cas clinique, où la frustration ait permis la moindre projection. Cet adulte immature en colère et en dépression car pratiquement toujours les deux sont associés, sera donc incapable de prendre de réelles décisions il ne le fera que par réactions sensitives et sera dépouillé de sa vie.
Cet article qui finalement n’est qu’une longue digression pour replacer l’importance de cette triangulation parent enfant, plus précisément mère, père enfant. Car ce sont ces fonctionnalités parentales complémentaires qui sont la base de toute éducation. Encore une fois mon exposé ne tient pas en configuration toutes les autres situations de famille n’entrant pas dans ce cadre.
La femme et l’homme au nom de leur incomplétude sont par essence des êtres fait ensemble, pour être et vivre ensemble. Les insuffisances propres à chacun font ce plus manquant, et nos sociétés ont tendances à les opposer systématiquement. Un foyer constitué de deux adultes décidant de cette union, quelle que soit d’ailleurs la structure juridique utilisée, constitue le départ, la base, la matrice dans laquelle l’enfant va se développer. Cette base un couple qui s’est choisi, a choisi son union, et a choisi d’enfanter est le socle totalement incontournable.
C’est à ce moment que la triangulation bâtie sur la complémentarité se construit, le père et la mère sont des alliés des complices pour ensemble faire, comme d’ailleurs doivent être l’homme et la femme, des complices et des partenaires inaliénables. Mais il y a beaucoup de travail à faire dans le sens de l’équilibre et de cette équité homme femme assurément.
Je veux montrer par ce rapide article la nécessité à réintroduire des fonctionnalités naturelles qu’il a été nécessaire de repositionner, mais les repères de base ont actuellement disparu et sont d’autant plus importants et nécessaires que la psychanalyse PAR permet de s’approprier ces constructifs.
Ce court article pour remercier bien sûr Agathon d’avoir permis cette réflexion, par cette rêverie autour du banquet narré par Platon, et surtout pour y avoir trouvé prétexte et support à ces développements. Il s’agit bien d’une introduction pour d’autres essais. Les réflexions de cet article sont le croisement de plusieurs facteurs, mais principalement la nécessité à expliquer ce principe de frustration qui émerge très nettement depuis quelques trente années, et qui obligent à un combat constant de nombreuses personnes, pathologies contemporaines ? Peut-être mais sacrément incommodantes, car elles handicapent ceux qui en souffrent à déployer une énergie considérable pour réussir à s’adapter.
La non-gestion du principe de frustration par l’adulte nuit à sa réelle autonomie, également à sa faculté d’adaptation. La psychanalyse travaille, rappelons-le sur ces déterminismes psychologiques que j’ai développé dans mon ouvrage précèdent, mais s’appuie identiquement sur la réversibilité de ceux-ci par l’aspect mutagène et constant du psychisme. Pour rappel, nous ne naissons pas timide, colérique, pas triste, pas…Nous le devenons, et la réversibilité est bien là. Cet inventaire peut en être long de tout ce que l’on peut se réapproprier. Aussi pour éviter que nos enfants ne subissent à leur tour ces pièges de la frustration, car il n’y a rien de plus immature qu’un être frustré, étant donné que tous les systèmes sauront manipuler celui-ci, en développant l’illusion de le satisfaire. Mon livre précédent développait cette idée d’une lucidité nécessaire à savoir cultiver, pour être au mieux maître de ces déterminismes, et pour un clin d’œil à nos rappels et à Platon, ces déterminismes ne sont surtout pas à confondre avec des fatalismes !